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Les fleurs immortalisées dans les œuvres d’art

Dans la Rome Antique, les fresques qui ornent les murs des maisons romaines sont émaillées de fleurs, utilisées pour leurs vertus décoratives. On le voit dans les décors rescapés de Pompéi.


Pompéi: maison du bracelet d'Or

Ensuite, au Moyen-Age et jusqu’au XVIIème siècle, le symbolisme des fleurs permet aux peintres d’enrichir le sens de leurs tableaux. En choisissant de peindre une fleur, ils associent le symbole lié à la fleur à la scène représentée : le lys blanc incarne par exemple la pureté de la Vierge Marie. Puis à partir du XVIIème siècle, on voit les peintres s’emparer des fleurs en bouquet pour leur seule beauté. Ils composent des natures mortes à l’esthétique recherchée, de plus en plus ornementales. Mais toutes ces représentations de fleurs n’ont que peu à voir, contrairement à ce que l’on pourrait penser, avec l’art botanique.

L’art botanique naît avec l’étude scientifique du monde végétal.

A partir de la Renaissance, la flore commence à être un sujet d’étude scientifique à elle seule. Les premiers herbiers sont constitués: les plantes sont collectionnées, séchées et collées sur une feuille de papier. Les botanistes qui constituent ces herbiers documentent avec soin leurs racines, leurs fleurs épanouies ou en bourgeon, et les graines qui en résultent. L’arrivée des plantes inconnues en provenance du Nouveau Monde accentue ce mouvement d’étude scientifique. Mais ces herbiers ont un grave défaut: leur fragilité extrême rend difficile leur conservation et surtout la propagation des informations qu’il contiennent.


Herbier du Museum national

Les botanistes ont alors l’idée de dessiner eux-mêmes les plantes et fleurs de la manière la plus exacte possible au lieu de les faire sécher dans les herbiers. Pour reproduire au mieux l’aspect de la plante vivante, ils utilisent de la gouache ou de l’aquarelle pour leurs dessins. Ces représentations deviennent ainsi plus fidèles que les herbiers, qui ne restituent pas les couleurs. De plus en plus, les botanistes qui partent en expédition à travers le monde ramènent des dessins, en plus de la plante séchée. Ils font l’effort, au cours de leur formation, d’acquérir une véritable éducation artistique afin de pouvoir retranscrire fidèlement leurs découvertes.

Pour faire connaître leurs observations aux autres membres de la communauté scientifique, et au public intéressé par leurs recherches, les botanistes font ensuite reproduire ces dessins par la gravure. Le dessin de fleur ou de plante est gravé sur une plaque de cuivre au burin ou à l’acide, on encre ensuite la plaque et on y presse des feuilles de papier pour obtenir le trait au noir. Plusieurs versions du même dessin sont ainsi obtenues et on peut donc faire circuler et partager les gravures botaniques. Mais se pose alors le problème de la restitution des couleurs car la gravure en couleur n’existe pas encore. Et même lorsqu’elle est inventée, elle reste longtemps beaucoup trop chère. Les éditeurs de gravures font alors appel à des aquarellistes pour colorier les gravures a posteriori. Ces aquarellistes étaient souvent les femmes et les filles des imprimeurs, ainsi que leurs amies. Les femmes peintres voient aussi rapidement dans cette activité un moyen d’augmenter leurs ressources financières et d’intégrer la corporation des peintres en fleurs, ornements et natures mortes (les peintres appartiennent alors à différentes corporations selon les sujets de leurs œuvres mais il était très difficile aux artistes femmes d’accéder à d’autres corporations que celle des fleurs en raison des préjugés de l’époque). C’est l’ensemble des dessins originaux de plantes et de fleurs, ainsi que des gravures dérivées, coloriées ou non, qui constitue l’art botanique.

L’essor de l’art botanique : lithographies et études préparatoires

A la fin du XVIIIème siècle, la soif de savoir des lecteurs et leur volonté d’éduquer les enfants (Jean-Jacques Rousseau était un botaniste convaincu et insistait sur la nécessité de former les jeunes âmes au contact avec la nature) confèrent à ces œuvres de botanique une grande popularité. La grande encyclopédie de Joseph Charles Panckoucke, destinée à compléter celle de Diderot et d’Alembert, fait la part belle à l’étude de la flore. Le public suit avec enthousiasme, au point même que, lorsque l’encyclopédie Panckoucke connaît des difficultés financières, elle réussit à s’en sortir par la commercialisation à part de ses planches de botanique.


Calcéolaire et béole de Charles Panckoucke

Le développement de la lithographie accélère l’essor du genre. Après le premier tiers du XIXème siècle, les éditeurs abandonnent totalement la gravure et utilisent ce nouveau mode de reproduction où dessin et couleurs sont encrés directement sur une pierre calcaire, sur laquelle on applique ensuite les feuilles à imprimer. Parallèlement au développement des œuvres scientifiques, il importe de mentionner le comportement des collectionneurs, qui est venu stimuler le domaine de l’art botanique. Ces hommes et ces femmes se sont emparés du domaine de l’art botanique, et commencent à acheter dessins, gravures et lithographies tant pour leur aspect scientifique que pour leur grande qualité artistique. Ils les conservent dans des boites spéciales ou en décorent les murs de leurs cabinets de curiosité.


Cactus Stapelia Glauca de Joseph Nicolaas von Jacquin

Par extension, ils en viennent à acheter les études préparatoires de peintres consacrées aux seuls éléments floraux. Par exemple, une étude de pissenlit en vue d’un tableau représentant un bouquet de fleurs des champs. Le tableau au bouquet n’intéresse absolument pas les collectionneurs d’art botanique mais l’étude précise du pissenlit, oui. C’est ainsi que vient se ranger dans le domaine de l’art botanique une petite fraction de peinture de chevalet et de dessins préparatoires : ceux qui représentent uniquement la plante, dans la vérité de son essence. Ils acquièrent de la valeur alors qu’ils n’étaient initialement absolument pas destinés à être vendus. Les collectionneurs ne s’y sont pas trompés. Ces œuvres préparatoires sont des œuvres d’observation, qui ont l’avantage d’apporter un peu plus de liberté au sein de l’art botanique. En effet, ils documentent la flore sous un aspect plus vivant que la planche botanique qui s’attache à la précision de la description avant tout. Les études que des peintres de talents, tels que Rosa Bonheur réalisent et font réaliser à leurs élèves intègrent ainsi le domaine de l’art botanique. Suivant la même tendance, lors de l’explosion de l’art nouveau de l’Ecole de Nancy, les dessins d’études végétales comme ceux réalisés par Gallé, sont devenus des objets d’art botanique à part entière.

Pourquoi collectionner l’art botanique

Aujourd’hui, les œuvres d’art botanique sont accessibles à tous. On peut trouver des lithographies du XIXème de grande qualité pour moins de cent euros. Les gravures par eau-forte et burin du XVIIIème, bien qu’un peu plus chères, ont encore plus de charme, surtout si elles sont coloriées avec talent. Les dessins à l’aquarelle, originaux de planches botaniques et les dessins au noir sont plus recherchés, mais restent encore relativement faciles à dénicher. Quant aux études florales à l’huile de peintres très connus, elles passent rarement sur le marché, mais on peut trouver chez les seconds ou "petits" maîtres de très belles œuvres. Et pour tous ces artistes, on peut encore avoir la chance de trouver des dessins préparatoires impressionnants de qualité. La pureté de ligne de ces œuvres, leur absolue absence de prétention et la simplicité de la démarche de l’artiste, qui s’efface au profit de son sujet, font de l’art botanique une discipline très gratifiante à collectionner.


Dahlia. Aquarelle botanique. Ecole du XIXème

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