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Pragmatique : Eh bien Furetante, tu as l’air rêveuse… On dirait que tu rumines quelque chose…

Furetante : J’étais en train de me dire que les ventes aux enchères transforment complètement les gens. C’est un drôle de monde tout de même: la personne la plus évoluée peut devenir une sorte de sagouin en un quart de tour.

Pragmatique : J’ai du mal à me rendre compte…

Furetante : Tiens, si tu veux, voici quelques impressions que j’ai noté juste avant le début d’une vente, tu sais, le jour où je me suis fait écraser le pied et que j’ai boité pendant une semaine. Ça te donnera une petite idée.

La foule est massée devant les portes fermées de la salle de vente. L’enjeu est de taille : les premiers à entrer seront les mieux placés pour faire de bonnes affaires. La vente devait commencer à 14h. Il est 14h 02.

Remous et protestations :

- Qu’est-ce qu’ils ont ? Ils sont en retard aujourd’hui !

Dans l’entassement compact de corps pressés les uns contre les autres, un début de bousculade s’amorce.

- Laissez passer, laissez passer !

Un homme essaie de se frayer un chemin, avec difficulté. C’est René, le crieur.

- Mais c’est qu’ils vont m’étouffer, ces coquins, fait-il, un sourire épanoui aux lèvres.

- Salut, René, alors, tu vas nous faire gagner plein d’argent aujourd’hui ? lance quelqu’un.

René rigole.

- Que tu crois, mon vieux. Dans tes rêves !

Les portes de la salle ouvrent malheureusement vers l’extérieur, c’est moins que pratique. À grand-peine, René tente de repousser la foule qui continue à se presser contre la porte.

- Mais enfin ! Si vous ne me laissez pas entrer, la vente ne commencera jamais !

Il s’arc-boute pour entrouvrir un des battants et réussit a se faufiler. Les gens restent le nez collé sur la porte pendant de longues secondes qui paraissent des heures.

- Allons, allons, ils ont décidé de nous faire poireauter aujourd’hui. On va prendre racine !

- Arrêtez de pousser ! De toute façon, vous devrez bien reculer avant de pouvoir entrer, tas d’abrutis ! fait un habitué, un vieil homme qui n’achète jamais rien.

- Écoutez-le, il a hâte de retrouver son coin près du radiateur !

- Eh, godiche réplique le vieil homme, où as-tu vu un radiateur ? Ça fait longtemps qu’il y a l’air conditionné !

Les deux vantaux de la porte commencent à pivoter sur leurs gonds, poussés par deux commissionnaires. D’un même élan, tout le monde essaie de rentrer le premier pour avoir une chaise bien placée d’où on peut voir toute la salle. Bousculades et coups de coudes font rage.

Les femmes spécialisées dans la bijouterie sont les plus rapides et les plus féroces. Elles attendent les bijoux qui ne passeront pas en vente avant au moins une heure et prennent d’assaut les chaises du premier rang.

- Eh la, regardez-les ! On dirait les sauterelles qui s’abattent sur l’Egypte. Un peu de tenue, Mesdames, fait une voix mâle à l’accent châtié.

Une fois dans la salle, chacun prend ses repères. Pas de laissé-pour-compte à achever sur le tapis de l’entrée ? Le commissaire-priseur s’installe à la tribune. C’est bon : on peut commencer.

Pragmatique : Tu as raison, Furetante. Cela laisse pantois. Mais rassure-moi...

Furetante : Oui ?

Pragmatique : Le type qui t’avait écrasé les orteils ce jour-là, j’espère bien que tu lui as envoyé ton coude dans les côtes ?

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