Débuts artistiques et influences
Aline Gagnaire a commencé sa carrière artistique alors que le surréalisme dominait la scène culturelle parisienne. Très jeune, elle s'est associée aux artistes qui, influencés par André Breton et ses idées, cherchaient à rompre avec les conventions artistiques traditionnelles et à explorer l'inconscient, le rêve et l'imagination pure.
En utilisant les principes du surréalisme, elle fusionne de manière unique l'art visuel et la poésie dans ses compositions.
Engagement dans le surréalisme
Gagnaire a pleinement intégré les cercles surréalistes dans les années 1930 et 1940. En 1938, elle fait partie des tous premiers membres du groupe des «Réverbères». Elle est à l’origine de nombreux visuels associant les mots et le dessin qui marquèrent le mouvement surréaliste, et a collaboré à ce titre avec des poètes et des artistes comme Stanislas Rodanski, Michel Tapié ou Noël Arnaud. Elle participe à des publications d'avant-garde comme Le Cheval de 4, où elle conçoit des illustrations et des mises en page typographiques expérimentales qui mêlent éléments poétiques et visuels, renforçant les idéaux surréalistes grâce au graphisme.
En 1938, elle fait partie des tous premiers membres du groupe des «Réverbères». avec qui elle a produit des œuvres à la fois visuelles et littéraires. Pendant la deuxième guerre mondiale, elle collabore à "La Main à plume", une revue clandestine fondée en 1940 qui servait de plateforme de résistance artistique durant l'Occupation. Les artistes de "La Main à plume" cherchaient à maintenir en vie l'esprit du surréalisme en s'opposant au climat oppressant de la guerre. Gagnaire contribuait régulièrement à la revue, explorant les formes poétiques et graphiques sous l'influence du surréalisme.
Post-surréalisme et continuité artistique
Après la Seconde Guerre mondiale, le surréalisme perd de son influence en tant que mouvement structuré, mais Aline Gagnaire et Stanislas Rodanski en assurent la continuité à travers leurs publications mêlant images et poésie. Gagnaire contribue à la littérature et à l'art surréalistes bien au delà des années 1940, notamment par son association avec le mouvement lettriste et sa participation ultérieure à l'Oupeinpo. Dans ces expériences, elle reste toujours fidèle à l'idéal surréaliste d'une liberté créatrice totale.
a. L’engagement dans le lettrisme
En continuité de ses travaux de graphisme surréaliste, Gagnaire s’intéresse au lettrisme, un mouvement fondé par Isidore Isou en 1945, qui met l'accent sur les lettres et les sons comme éléments artistiques indépendants. Le lettrisme propose de rompre avec les conventions visuelles et littéraires traditionnelles pour créer un art fondé sur les éléments les plus basiques du langage. Ce mouvement, bien qu'en continuité avec l’avant-garde du surréalisme, dépasse ses aspirations en se concentrant sur la déconstruction du langage lui-même.
Aline Gagnaire s’immerge dans ce courant en explorant le pouvoir graphique des lettres et en collaborant avec les lettristes. Cette période marque une transition dans sa carrière, où elle s’éloigne des formes purement figuratives pour entrer dans une approche plus abstraite et conceptuelle, explorant le langage visuel en tant que tel.
b. L’OuPeinPo : l’art sous contrainte
Dans les années 1980, Gagnaire rejoint l’OuPeinPo (Ouvroir de Peinture Potentielle), un groupe inspiré de l’Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle), qui applique des contraintes formelles à la création artistique. Le concept OuPeinPo est de travailler sous des règles prédéfinies ou des contraintes imposées, avec l'idée que ces limitations ouvrent des possibilités créatives inédites, comme cela a été fait en littérature par Raymond Queneau ou Georges Perec dans le cadre de l'Oulipo.
Gagnaire, au sein de l’OuPeinPo, a exploré des techniques comme les jeux visuels, les puzzles d’images, et les systèmes de composition basés sur des structures formelles. Cet engagement illustre son désir de continuellement repousser les limites de la création, en cherchant à lier rigueur formelle et liberté expressive.
Œuvre graphique et picturale : un parcours pluriel et novateur
Aline Gagnaire était une artiste polyvalente. Ses dessins, collages et peintures expriment une grande liberté formelle, avec des thèmes récurrents du surréalisme, tels que l'exploration de l'inconscient, l'irrationnel, et les associations libres. Gagnaire utilisait le dessin, le collage, les tableaux en plâtre pour créer des œuvres qui rompaient avec la logique et l'ordre conventionnel du réel. Son style mêle une approche ludique et poétique, où l'imagination est libérée des contraintes rationnelles.
La carrière d’Aline Gagnaire est caractérisée par une exploration constante des avant-gardes, de l’expression surréaliste à l’expérimentation asémique du lettrisme, jusqu’à la recherche de nouvelles structures avec l’OuPeinPo. Elle a su s’adapter aux différentes évolutions artistiques, tout en préservant une curiosité inébranlable pour l’inconscient, la forme et le langage.
Son travail a eu un impact durable au sein des avant-gardes picturales françaises. Gagnaire a joué un rôle de catalyseur dans ces mouvements, apportant sa vision graphique singulière, entre abstraction, surréalisme et expérimentation conceptuelle.
Héritage et redécouverte
L'oeuvre d'Aline Gagnaire est actuellement redécouverte et réévaluée dans le contexte de l’histoire de l’art contemporain. Son rôle au sein de différents mouvements, sa polyvalence et sa capacité à explorer des formes visuelles et littéraires font d'elle une artiste dont l’influence traverse les frontières entre l’écriture, la peinture et l’expérimentation formelle.
Son héritage est celui d’une femme artiste qui a traversé les grandes révolutions artistiques du XXe siècle, en participant à la fois au surréalisme, au lettrisme et à l’OuPeinPo en restant fidèle à son désir d'exploration du rêve et de l’inconscient.