Le pointillisme naît avec Georges Seurat au XIXème. Aussi appelée divisionnisme, cette technique voit l'artiste représenter son sujet en une multitude de petits points de couleurs différentes. Il n'y a plus de mélange de couleurs sur la palette : c'est l’œil du spectateur qui fusionne les points juxtaposés pour former de nouvelles couleurs. 80 ans plus tard, cette technique de division devient la marque de fabrique de certains artistes qui poussent le travail de déconstruction au-delà du point de couleur.

  • André Lalaume-Dupré emploie des points en relief, des grumeaux de matière picturale. Le pointillisme gagne avec lui en densité, en présence. 
  • Henri Darnaud se consacre à la touche fragmentaire, qu’elle soit point ou trait de couleur, et travaille sur des compositions plus abstraites.

Le rôle du spectateur est encore plus crucial : c’est lui qui reconstruit l’œuvre déconstruite par l'artiste et lui rajoute une dimension personnelle à travers sa propre perception, sa sensibilité, son interprétation. Une collaboration active se forme entre l’artiste et le spectateur et cette forme d’art devient une création à deux voix. C’est un symbole de la richesse de la communication infraverbale qui peut se produire entre deux esprits humains par l’intermédiaire de l’image.

Le pointillisme n'est qu'un des nombreux mouvements et styles artistiques. Pour en découvrir davantage sur ces regroupements d'affinités artistiques, visitez le très complet récapitulatif des mouvements artistiques concocté par notre partenaire Almanart.

Le Jour

Tout est ravi quand vient le Jour
Dans les cieux flamboyants d’aurore.
Sur la terre en fleur qu’il décore
La joie immense est de retour.
Les feuillages au pur contour
Ont un bruissement sonore;
Tout est ravi quand vient le Jour
Dans les cieux flamboyants d’aurore.
La chaumière comme la tour
Dans la lumière se colore,
L’eau murmure, la fleur adore,
Les oiseaux chantent, fous d’amour.
Tout est ravi quand vient le Jour.

Théodore de Banville, Recueil : "Rondels"

Même féerie

La lune mince verse une lueur sacrée,
Comme une jupe d’un tissu d’argent léger,
Sur les masses de marbre où marche et croit songer
Quelque vierge de perle et de gaze nacrée.

Pour les cygnes soyeux qui frôlent les roseaux
De carènes de plume à demi lumineuse,
Sa main cueille et dispense une rose neigeuse
Dont les pétales font des cercles sur les eaux.

Délicieux désert, solitude pâmée,
Quand le remous de l’eau par la lune lamée
Compte éternellement ses échos de cristal,

Quel coeur pourrait souffrir l’inexorable charme
De la nuit éclatante au firmament fatal,
Sans tirer de soi-même un cri pur comme une arme?

Paul Valéry, Recueil : "Album de vers anciens"

Au bord de l’eau verte

Au bord de l’eau verte, les sauterelles
sautent ou se traînent,
ou bien sur les fleurs des carottes frêles
grimpent avec peine.
Dans l’eau tiède filent les poissons blancs
auprès d’arbres noirs
dont l’ombre sur l’eau tremble doucement
au soleil du soir.
Deux pies qui crient s’envolent loin, très loin,
loin de la prairie,
et vont se poser sur des tas de foin
pleins d’herbes fleuries.
Trois paysans assis lisent un journal
en gardant les bœufs
près de râteaux aux manches luisants que
touchaient leurs doigts calleux.
Les moucherons minces volent sur l’eau,
sans changer de place.
En se croisant ils passent, puis repassent,
vont de bas en haut.
Je tape les herbes avec une gaule
en réfléchissant
et le duvet des pissenlits s’envole
en suivant le vent.

Francis Jammes, Recueil : "De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir", 1889.

Billet

Pas les rafales à propos
De rien comme occuper la rue
Sujette au noir vol de chapeaux ;
Mais une danseuse apparue

Tourbillon de mousseline ou
Fureur éparses en écumes
Que soulève par son genou
Celle même dont nous vécûmes

Pour tout, hormis lui, rebattu
Spirituelle, ivre, immobile
Foudroyer avec le tutu,
Sans se faire autrement de bile

Sinon rieur que puisse l’air
De sa jupe éventer Whistler.

Stéphane Mallarmé

On ne sait rien

On danse aux pieds de la colline...
On ne sait rien...
Le ruisseau court, la fleur s'incline,
L'Aurore vient.

On chantonne le long des branches,
On ne sait rien...
L'air est rose, les roses blanches,
Et l'amour vient!

On soupire autour des broussailles...
On ne sait rien...
Quoi ! des baisers, des fiançailles ?
La douleur vient...

Et l'on songe, aux pieds de la Vie,
Qu'on ne sait rien ;
Le jour meurt; la plaine est franchie...
Et la nuit vient.

Hélène Vacaresco (1864-1947) . La Dormeuse éveillée.

D'un soir de mai

Ma porte grande ouverte à l'esprit du printemps
Laissait entrer le soir et ses parfums de fête
Avec les chants aigus des oiseaux, à tue-tête,
Tout ce qui nous engage à n'avoir que vingt ans.

Les ombres du dehors tremblaient jusqu'à ma table,
Le parquet reflétait le crépuscule clair.
Et je restais assise à respirer cet air,
Cette fraîcheur, cette fraîcheur indubitable.

Je n'attendais, ne désirais qu'odeur de fleur,
Que charme d'un grand soir de printemps sans nuage.
Je ne comparais pas à tout cela mon âge,
Je ne regrettais pas l'automne de mon coeur,

Mais plutôt je songeais à la belle jeunesse
Telle qu'elle est, pareille à ce soir d'aujourd'hui,
Avec tout ce qu'elle a de force et de faiblesse,
Et j'aimais tendrement le printemps pour autrui.

Les morts et les vivants et moi-même passée
autour de moi parmi cette beauté.
J'aimais, — et qu'importait ma grande âme lassée? —
J'aimais le mois de mai dans son éternité.

Lucie Delarue-Mardrus (Les Sept Douleurs d'octobre.)

Les Grenades

Dures grenades entr’ouvertes
Cédant à l’excès de vos grains,
Je crois voir des fronts souverains
Éclatés de leurs découvertes!

Si les soleils par vous subis,
Ô grenades entre-bâillées
Vous ont fait d’orgueil travaillées
Craquer les cloisons de rubis,

Et que si l’or sec de l’écorce
À la demande d’une force
Crève en gemmes rouges de jus,

Cette lumineuse rupture
Fait rêver une âme que j’eus
De sa secrète architecture.

Paul Valéry, Recueil : "Charmes"

Voici que la saison décline

Voici que la saison décline,
L’ombre grandit, l’azur décroît,
Le vent fraîchit sur la colline,
L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.
Août contre septembre lutte ;
L’océan n’a plus d’alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon.
La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l’été fond.

Victor Hugo, Dernière gerbe

Un soir de mai

Roulez, élégantes calèches !...
En avant, coursiers, en avant !...
Ceintures légères et fraîches,
Flottez au vent !

Du jour qui meurt la lumière abaissée
Joue entre les rameaux,
Dore les troncs, et serpente, brisée,
Sur l'herbe, en longs réseaux...

Silence ! amants, silence !...
Le vent du soir balance
Le chèvrefeuille en fleur :
Le bois est déjà sombre...
Ne confiez qu'à l'ombre
Vos soupirs de bonheur !

- Voyez-vous par ici des corolles fermées,
Qui d'un nouveau soleil attendent les rayons ?...
Prenons à l'ébénier ses grappes embaumées,
À l'aubépine ses boutons...

Oh ! la belle amazone !
Son jeune front rayonne
D'orgueil et de plaisir :
Son cheval d'Angleterre
Brûle du pied la terre...
Quel bonheur de courir !...

La poussière s'élève... Ici l'air frais caresse,
Flatte, ravive tous les sens ;
C'est comme un doux parfum de vie et de jeunesse,
Comme une haleine de printemps ! [...]

" Roulez, élégantes calèches !...
En avant, coursiers, en avant !...
Ceintures légères et fraîches,
Flottez au vent !...

Charles Dovalle, 1807-1829

Désirs d'hiver

Je pleure les lèvres fanées-
Où les baisers ne sont pas nés,
Et les désirs abandonnés
Sous les tristesses moissonnées.

Toujours la pluie à l'horizon!
Toujours la neige sur les grèves !
Tandis qu'au seuil clos de mes rêves,

Des loups, couchés sur le gazon,
Observent en mon âme lasse,
Les yeux ternis dans le passé,
Tout le sang autrefois versé
Des agneaux mourants sur la glace.

Seule la lune éclaire enfin
De sa tristesse monotone,
Où gèle l'herbe de l'automne.
Mes désirs malades de faim.

Maurice Maeterlinck (1862-1949)

Correspondances

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal