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Furetante arrive en pleurs chez Pragmatique.

Pragmatique : Qu’est ce qui t’arrives ? Pourquoi pleures-tu ? Qui est mort?

Furetante : Il m’a abandonnéeeee… Mon premier amour !! Il a eu le culot de me laisser seule sur cette Terre aride de désolation.

Pragamtique : Mon Dieu ! Je ne savais même pas que ton Jules était malade..

Furetante : Mais non ! Pas Jules, Georges !! Georges Mathieu, il a tiré sa dernière révérence. Sans me prévenir, en plus…

Pragmatique : Ça alors, tu étais proche de Georges Mathieu ! Le Georges Mathieu de l’abstraction lyrique ?

Furetante : Oui, celui des affiches d’Air France, celui de la pièce de 10 francs !!

Pragmatique : Je n’arrive pas à  y croire ! Tu le connaissais personnellement ?!

Furetante : La dernière fois que je l’ai vu, c’était en mars 71...

Pragmatique : Mais c’était il y a 40 ans !!

Furetante : Quand on aime, on ne compte pas…C’était au vernissage de sa grande exposition à la Monnaie de Paris. On était réunis pour attendre l’arrivée du « Maître » qui évidemment se faisait désirer. Enfin, il arrive. Maaaajestueux, admiraaaable.

Une veste de velours noir bordée de satin. Une canne à pommeau d’argent. Une crinière de lion superbe et généreux. Et une moustache…Ahhh, sa moustache m’a fait chavirer. Fournie, lustrée, rebiquant vers le haut, une splendeur !

Pragmatique : Comme dit Maupassant : « Un baiser sans moustache est comme une soupe sans sel »

Furetante : C’est tout à fait ça. Il est en train de me dédicacer le catalogue de l’exposition quand soudain parmi les dames admiratives qui l’assiégeaient, quelqu’un murmure : « Quel prétentieux, ce n’est jamais qu’un sous-Dali ! »

Pragmatique : Quel outrage! Il n’a pas du apprécier.

Furetante : Il s’est redressé de toute sa stature, a toisé l’assemblée et en parodiant l’accent rocailleux de Dali est parti dans une diatribe grandiose : «  Mais Daaali n’arrrrrrive pas à LA cheville de Georrrrrges Mathieu !! Daaaali n’a qu’oune pétite avorrrrton de moustache ridicule!»

Georges Mathieu m’a agrippé la main et l’a promenée sur sa moustache : « Rrrrrregarde cette merrrrveille ! Ca c’est oune vrrrraie moustache ! Qu’en dis-tu ma pétite ?! »

Pragmatique : J’aurais adoré voir ça !!

Furetante : Je me pâmais d’admiration. Et il a ajouté : « En plous, Daaali se trompe : lé centrrrre du monde n’est pas à Perrrrpignan. Le centrrrre du monde est ICI ! »

Il a frappé le sol du pied et a dit : « Là où est Georrrges Mathieu ! »

Voilà l’histoire de mon premier amour. Ma main n’a plus jamais touché une autre moustache.

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