Le pichet vert

Sur une table brun foncé, un grand pichet vert turquoise occupe le centre de la composition. Près de lui, une pomme coupée en deux. Dans le pichet, sont disposés des chardons assoiffés dont l'un essaye d'atteindre un verre d'eau vide.
Ce tableau est encadré d'une caisse américaine noire. Il est présenté en accrochage avec Paysage abstrait rouge et bleu, une aquarelle de Jean-Claude Jappé.

Le pichet, au volume ferme possède la couleur évocatrice d'un fleuve : le vert turquoise se dit aussi vert Nil. Sa couleur oscille entre vert et bleu, entre l’ancrage terrestre du vert et l’élan spirituel du bleu. Cette ambivalence chromatique rend le vase à la fois quotidien et transcendant, signe d’un passage possible entre matière et esprit.

À son pied, la pomme coupée est proche du bord de la table, et évoque une chute possible. Berdal insiste ainsi sur l’écart entre ce qui dure, la dure faïence du pot, ce qui se consume dans le temps : la chair des fruits, et ce qui a déjà disparu sous l'effet de la soif.

Le fond sombre agit comme un écrin. Rien ne distrait le regard, tout converge vers ce face-à-face entre l’objet qui contient et la plante assoiffée qu'il contient. Le pichet est vide de toute eau : il est attente que plénitude. 

Le pichet vert, à la couleur de l'eau mais vide de tout liquide, évoque la lutte entre permanence et disparition. L'eau devrait exister mais son absence est létale. De la connaissance contenue dans la pomme ne reste qu'une moitié offerte à l'air et au dessèchement. 
Avec sa sobriété coutumière, Berdal ouvre une méditation sur le rôle mortifère de l’absence, absence de savoir, absence d'irrigation spirituelle. Il témoigne aussi du rôle de l’art : donner une forme pérenne aux angoisses et aux interrogations que soulève l'existence face à la disparition que le temps convoie dans son cortège.