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Qui sont donc les faussaires ?

Il faut reconnaître aux faussaires leurs compétences techniques et même artistiques. Avoir suffisamment de maîtrise pour arriver à faire passer un faux pour une œuvre authentique peut représenter un accomplissement pour certains faussaires. Ce sont en général des artistes qui n’arrivent pas à obtenir la reconnaissance qu’ils souhaiteraient. En produisant des faux, ils font un pied de nez aux experts et critiques d’art qui n’ont pas su voir leur talent quand ils créaient sous leur propre nom. Ces faussaires sont souvent manipulés par des faiseurs d’argent, des réseaux de trafiquants d’art qui organisent la vente des fausses œuvres. La dimension de l’argent est structurante dans le monde des faux en art. Certains faussaires embrassent cette « profession » par amour de l’argent. C’est notamment le cas des chimistes experts dans la préparation des pigments et des huiles anciennes. D’autres faussaires font de leur activité un manifeste destiné à prouver qu’argent et art ne doivent pas être mêlés. Faire des faux est leur façon de protester contre le système de cotation des œuvres et la spéculation associée qui détournent, selon eux, le regard de la qualité artistique de l’œuvre.

Il ne faut pas oublier non plus les artistes qui ont eux-mêmes contribué à la production de faux.  Jean-Baptiste Corot (1796-1875), débordé de commandes, quand il voyait ses amis artistes dans la détresse financière, n’hésitait pas à signer leurs tableaux pour qu’ils puissent les vendre sous son nom. Le marché de l’art regorge donc de faux Corot. La rumeur dit même que Pablo Picasso, pris par le temps, commandait des œuvres à sa manière à des artistes de Montparnasse et y apposait sa signature. Après ce tour d’horizon des différents types de faussaires ayant été effectué, voici deux portraits de faussaires de renom : Han Van Meegeren (1889-1947) et Guy Ribes (1948).

Han Van Meegeren (1889-1947), artiste et faussaire du XXème

Né aux Pays-Bas, il est l’un des faussaires en art les plus adroits du XXe siècle. Ses faux sont facilement identifiables avec les techniques d’authentification contemporaines mais à son époque, lil a gagné environ 20 millions d’euros en dupant les acheteurs. Dépité de voir son talent ignoré par la critique, Van Meegeren se met à étudier de très près le célèbre peintre Jan van der Vermeer (1632-1675) dont les historiens d'art ne connaissaient qu'une quarantaine d'œuvres. Il produit alors successivement plusieurs centaines de faux à la manière de Vermeer (« La Cène », « Le Christ et la femme adultère, Le Lavement des pieds) qu’il vend des milliers de florins aux enchères ou à des collectionneurs.

La période trouble de la guerre favorise l’entreprise lucrative de Van Meegeren mais après la défaite allemande, les autorités du pays font le compte des œuvres pillées par les nazis.  Van Meegeren, qui avait vendu des faux au maréchal Goering et à des dignitaires nazis, est accusé d'avoir collaboré avec l'ennemi en lui cédant des trésors nationaux. Risquant une forte peine de prison, il avoue alors avoir produit des faux. Comme la justice néerlandaise refuse de le croire, il suggére au tribunal de peindre un autre Vermeer devant deux experts (photo ci-contre). Sa requête acceptée, il s'exécute en peignant une toile intitulée « Jésus enseignant dans le temple », un pastiche qui apparut concluant.

L’opinion publique qui l’avait conspué comme collaborateur se retourna alors en sa faveur: il avait berné les allemands tout comme d’ailleurs les meilleurs experts du monde de l’art et cela le rendait sympathique.
Van Meegeren ne fut condamné qu'à un an de prison mais il mourut d'une crise cardiaque le 31 octobre 1947, deux semaines après son incarcération.

Guy Ribes (1948), artiste et faussaire contemporain

Pendant près de trente ans, Guy Ribes a imité les plus grands peintres, avec une maîtrise technique et un talent artistique hors du commun. Il naît dans un bordel à la fin des années 1940 puis après un passage dans la marine puis dans la Légion, il commence à fabriquer des faux, “par orgueil et par jeu”. Ces faux se vendent en effet bien mieux que sa propre peinture. Il est repéré par un réseau de marchands d’art véreux, qui exploitent son talent et arnaquent plusieurs collectionneurs. Installé à Saint-Mandé dans un atelier, il réalise alors des faux Chagall, Picasso, Dalí, Léger, Bonnard, Modigliani, Renoir, Laurencin, Braque, Vlaminck ou Matisse. Ne faisant jamais de copie de tableau existant, il préfère peindre dans le style de l'artiste copié.

C'est seulement à partir du moment où Guy Ribes vend directement une de ses toiles qu'il est pris par la police, qui l’avait placé sous surveillance. Il est arrêté à Saint-Mandé fin 2004 et jugé à Créteil pour « contrefaçon en bande organisée » en juillet 2010 dans un procès où l'on montrera plus de 350 de ses œuvres. D'après l'avocat de Guy Ribes, le tribunal a fait valoir « la grande qualité de ses œuvres », reconnaissant la « qualité d'artiste » de Guy Ribes et ne le limitant pas « à un simple faussaire ». Le nombre de peintres dont il est capable de faire des faux est impressionant. Il est condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis. Onze autres personnes, complices du trafic, sont condamnées à diverses peines. Guy Ribes déclare avoir peint un demi-millier de faux. Aujourd’hui, après une vie passée dans la peau des maîtres, le faussaire de haut vol est redevenu un peintre qui suit sa propre voie.

Ecoutez sur France culture, le « Portrait d’un faussaire » ,interview de Guy Ribes, le 16/02/11

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