
Les Grands Maîtres ont aussi voulu que leur art soit accessible à tous et ont donc travaillé dans le domaine des œuvres multiples. À la différence des photos, posters, reproductions qui utilisent des procédés impersonnels et mécaniques pour reproduire l’image de ce qu’a fait l’artiste, les « multiples » sont des œuvres d’art originales. Ces « multiples » sont réalisés par un artiste ou un artisan d’art sous le contrôle du Maitre ou en accord avec ses héritiers d’après son travail. Elles procurent le plaisir et l’émotion du contact avec la création de l’artiste. Ces œuvres sont réalisées
- pour illustrer des journaux satiriques, à la fin du XIXème notamment;
- pour être publiées dans des livres ou des revues d’art ;
- pour constituer des portfolios présentant un artiste ou un thème ;
- pour être proposées à l’achat par abonnement : "souscription".
Voici les caractéristiques qui font tout l’intérêt de ces œuvres :
- même si elles sont éditées/tirées en plusieurs exemplaires, l’édition/le tirage est souvent limitée à un nombre fixé;
- l’artisan qui les réalise doit faire preuve de doigté et d’excellence dans la maîtrise des différentes techniques artistiques de restitution de l’œuvre première.
Acquérir des « multiples » est à la portée de chacun. Il faut cependant d’abord connaître les règles qui régissent leur univers foisonnant et complexe. Leur valeur est déterminée en fonction de plusieurs critères :
- Plus le nombre du tirage est limité, plus l’œuvre sera chère. Inversement, un tirage à 5000 exemplaires deviendra abordable.
- Plus l’intervention de l’artiste est importante, plus l’œuvre sera chère. Une lithographie portant une signature manuelle de l’artiste sera plus chère que la même lithographie portant une signature imprimée dans la planche.
- Plus l’artisan qui réalise le tirage est connu, plus l’œuvre sera chère.
- Selon les procédés de reproduction artistique (certains demandent plus de temps, plus d’implication) l’œuvre sera différemment appréciée. Une litho sera moins appréciée qu’une pointe sèche ou une eau-forte. Une chromolithographie moins qu’une lithographie.
Comment se procurer une de ces œuvres à un prix abordables ?
Quand il s’agit d’un Grand Maître, les tirages de « multiples » en petite quantité, signés par l’artiste, atteignent un prix encore très conséquent : 230 000 euros par exemple pour une lithographie de Matisse (chez Sotheby’s en 2011). Il faut se tourner vers les tirages non signés manuellement et tirés en quantité plus importante pour trouver des prix abordables. L’autre condition est de pouvoir les dénicher. Il faut en effet effectuer un travail de recherche pour connaître les dates de parution des supports des œuvres et savoir où se les procurer. La galerie en ligne Les Atamanes vous propose une sélection d’œuvres originales (et quelques œuvres d’interprétation) de Grands Maitres à prix abordables.
Voici quelques précisions sur le procédé de la lithographie puisque la majorité des œuvres présentées en relèvent.
La lithographie :
L’artiste réalise un dessin d’origine puis un artisan lithographe peint le tracé du dessin sur des pierres lithographiques. Chaque pierre est consacrée à une couleur selon les indications du dessin original. Une feuille de papier est ensuite pressée successivement sur les pierres, recueillant ainsi l’encre et les couleurs. La lithographie est créée.
- La lithographie sera dite « de l’artiste » si c’est lui qui exécute le travail du lithographe.
- La lithographie sera dite « d’après l’artiste » s’il a fait le dessin d’origine mais qu’un artisan a réalisé le travail de lithographe.
La lithographie est un procédé artistique qui possède une âme propre. Les artistes le choisissent pour son rendu velouté, son grain spécifique. Une fois l’édition entière réalisée, toute autre réédition est rendue impossible par la destruction de la matrice ayant servi à l’édition.
Cette introduction terminée, bienvenue dans l’exposition : Les Grands Maîtres de l’Art sur vos murs.
L'automne
Cette lithographie a été commandée par l’éditeur Tériade pour le n° 3 de sa luxueuse revue d’art Verve. Elle fait partie d’un ensemble décrivant les 4 saisons : Chagall réalise le printemps ; Miro l’été ; Rattner l’automne et Klee l’hiver. La revue Verve étant tirée à 2 400 exemplaires, environ 2 400 lithographies ont été réalisées et intégrées à chaque exemplaire de la revue. Au dos de la lithographie figure un dessin en héliogravure illustrant le titre. L’encadrement double face permet de choisir quel côté exposer.
Abraham Rattner a été choisi au même titre que Miro, Chagall ou Klee, preuve de sa notoriété en tant qu’artiste à l’époque. C’est une œuvre que Rattner a réalisée spécialement sur commande pour illustrer la saison de l’automne.
L'hiver
C’est une œuvre que Klee a réalisée spécialement sur commande pour illustrer la saison de l’hiver pour la revue Verve. Il n’y a pas eu d’autre version de cette œuvre. D’après certaines sources, l’illustration du titre au verso a été réalisée par Miro. Klee avait déjà livré le verso mais refusait de quitter la Suisse alors que les bruits de guerre se faisaient menaçants en 1938.
Femme nue devant une statue
Ce nouveau tirage de La Suite Vollard, est édité en 1973 par la Spadem (Société de la propriété artistique des dessins et modèles), probablement pour rendre hommage à Picasso, décédé en avril de la même année.
Ce retirage est beaucoup plus soigné et abouti sur le plan décoratif que le tirage de 1956. Il comprend également beaucoup moins d’exemplaires : 1200. Elles sont plus proches de l’édition originale : les dimensions sont les mêmes, la signature de Picasso a été ajoutée dans la planche. Le petit visage qui figure en bas à gauche dans la marge s'appelle une remarque, c'est-à-dire un élément qui permet de différencier les tirages postérieurs au tirage d'origine. Ce petit visage est la marque du retirage Spadem.
Tête de femme
Ce tirage a été réalisé par le fondeur Jean Guyot d’après le plâtre original de la sculpture de Rodin, conservé dans les collections du musée Rodin, avec l’autorisation du musée. C’est une réalisation posthume, fondue près de 80 ans après la mort de l’artiste. En tout point conforme à l’original, elle est l’exacte expression de la création de Rodin.
Couverture du Verve consacré à Matisse
Il s’agit de la couverture de la luxueuse revue d’art l’éditeur Tériade : Verve n°8, septembre/novembre 1940. Cette couverture a été spécialement commandée à Matisse. La revue Verve étant tirée à 2 400 exemplaires, environ 2 400 couvertures lithographiques ont été réalisées et enserrent chaque exemplaire de la revue.
D’après la date figurant dans la planche ces papiers découpés ont été composés en 1931 et repris pour cette commande. Ils deviendront un des modes d’expression préférés de Matisse après la deuxième Guerre Mondiale. L’encadrement met en valeur les deux faces de la couverture, en redonnant à l’œuvre sa dimension première.
Couverture du Verve consacré à Bonnard
Il s’agit de la couverture de la luxueuse revue d’art l’éditeur Tériade : Verve n°3, vol 1 d'octobre/décembre (1937-38). Cette couverture a été spécialement commandée à Bonnard. La revue Verve étant tirée à 2 400 exemplaires, environ 2 400 couvertures lithographiques ont été réalisées et enserrent chaque exemplaire de la revue.
Tériade laissait une grande liberté à chaque artiste ce qui a permis à Bonnard de jouer avec la perspective de cette table en oubliant que ce numéro de la revue était consacré à l’Orient. L’encadrement met en valeur les deux faces de la couverture, en redonnant à l’œuvre sa dimension première.
Christ et larron
Il s’agit d’une copie de travail effectuée par un artiste peu connu d’après le tableau Christ et Larron de Georges Rouault (1939). Les copies de travail sont essentielles pour les artistes : elles leur permettent de s’imprégner de la manière de faire d’un Grand Maître et font partie intégrante du processus d’apprentissage d’un artiste en devenir.
Pour les collectionneurs, ces copies représentent une double mise en abîme : on y retrouve la marque de l’œuvre originale et la vision personnelle que le copieur en avait et dans laquelle il a mis toute son âme.
Brothers Marco
Cette lithographie est tirée du journal humoristique illustré Le Rire (1894-1950), « paraissant le samedi », n°59 du 21 décembre 1895. À cette époque, les illustrations de ces journaux humoristiques étaient imprimées avec le procédé lithographique, alors peu cher. Ce travail destiné à un journal est réalisé sous des délais très courts. La lithographie est donc créée rapidement.
Toulouse Lautrec vendait ses dessins aux journaux pour subsister. Il a livré au journal Le Rire de nombreux croquis pris sur le vif qui illustrent la vie nocturne à Paris. Le papier mince du journal a su traverser les ans pour nous parvenir. Le succès de ces dessins a contribué à installer la notoriété de Toulouse-Lautrec. La rapidité du travail de l’artisan lithographe renforce la spontanéité et le côté incisif du travail de Toulouse-Lautrec.
Cha-U-Kao au Moulin Rouge
Cette lithographie est tirée du n°67 du 15 février 1896 du journal humoristique illustré Le Rire.
Toulouse Lautrec vendait ses dessins aux journaux pour subsister. Il a livré au journal Le Rire de nombreux croquis pris sur le vif qui illustrent la vie nocturne à Paris. Ce dessin vendu au Rire sera transformé plus tard par Toulouse-Lautrec en lithographie couleur de grand format. Cela prouve l’attachement de l’artiste à cette scène et la qualité du dessin à ses yeux. D’ailleurs, il s’y est représenté, attablé au fond de la salle, juste derrière le chignon de Cha-U-Kao.
Les falaises de Varengeville
Cette planche est une interprétation lithographique d'une toile de Georges Braque représentant les falaises de Varengville. Tirée sur les presses de l'imprimerie Arte, elle faisait partie des dix-sept estampes publiées sous le titre Varengeville en 1968. L'ouvrage de bibliophile se présentait sous la forme d'un étui toilé dans lequel les lithographies d'après Braquue et le poème de Prévert, figuraient sous chemise, en feuillets libres.
Georges Braque adorait Varengeville. Il s'y était installé en 1928 et y avait fait venir ses amis, de Miro à Calder. Il peignait en ajoutant à ses toiles la craie des falaises. C'est l'éditeur d'art Maeght qui a associé les mots de Prévert et les toiles de Braque en un livre exaltant Varengeville.


Cheval rouge au bouquet
Chagall n'était pas lithographe, mais il aimait que ses œuvres soient offertes en multiple à ceux que son œuvre avait séduits. Il aimait aussi le rendu des couleurs, le moelleux des couleurs que seule la lithographie permet d'obtenir. Charles Sorlier était un lithographe de génie, et son sens des couleurs s'accordait aux désirs de Chagall. Chagall avait fini par ses reposer sur lui en toute confiance pour le respect de ses somptueux coloris. Tous deux ils ont créé la main dans la main les lithographies d'après Chagall parmi les plus belles et les plus réussies.
Minotaure, buveur et femmes
Le minotaure fut un des sujets récurants que Picasso traita dans la suite Vollard. Il ressentait ce taureau divin comme une représentation symbolique de sa propre virilité.