Le marché

Des vignettes sur papier découpé, représentant des légumes et des fruits, composent cette œuvre. Elles sont rehaussées à l'aquarelle et disposées plusieurs rectangles de fond noirs. Ce collage puise dans l'imagerie des livres d'école des années cinquante et soixante. Les vignettes utilisées sont semblables à celles que les instituteurs utilisaient pour faire reconnaître fruits et légumes aux enfants. Jeanne Socquet les a sélectionnées, coloriées, et en a composé des cartes qu'elle a assemblées sur un fond noir.

Il y a dans cette œuvre un aspect à la fois ludique et ordonné. Les couleurs sont choisies de manière à animer la composition, le rouge des carottes répond à celui des fraises et des radis. Le vert de la pomme rappelle celui des salades. Les fruits exotiques viennent former un contrepoint sur les deux côtés, avec leurs notes de jaune et de mauve.

Cette œuvre contraste avec les collages où Jeanne Socquet fait référence aux êtres humains. Ici, l'artiste n'utilise que des éléments puisés dans la nature. Ils sont bien ordonnés, rangés, mis dans des cases. Avec quelques images aquarellées et un choix de couleur concis, Socquet fait vivre tout ce qu'il y a d'ordonné dans un marché, avec ses produits bien sagement rangés. Elle donne aussi le côté bien vivant des étals, avec leur amas de couleurs.

Cette œuvre possède, sur bien des points, un côté rassurant. Mais dans les noirs choisis pour le fond, l'ordre impeccable du travail, on pourrait percevoir aussi une forme d'inquiétude sous-jacente. Ce travail fait penser au poids que les êtres humains font peser sur l'élément naturel, au contrôle qu'ils exercent. Cultiver, maîtriser, ordonnancer, vendre. Cela donnerait-il à l'existence un fond bien sombre ?