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Chère Pragmatique,

Moi, ta bien chère Furetante, me languis du temps des correspondances épistolaires et jette donc mes dernières impressions artistiques sur le papier pour te les expédier dare dare. Je reviens de Montmartre, de la place du Tertre. Il est bien loin le temps où Constantin Korovine peignait sur la place. On lui achetait des toiles sublimes pour quelques francs, toiles qui se revendent aujourd’hui entre 20 000 et 300 000 euros.


Le Moulin Rouge en 1926. Constantin Korovine©ParisTribune info

Tout ce que j’ai vu, ce sont des tableaux faits en Chine, sur lesquels des apprentis rapins barbouillent parcimonieusement pour faire croire qu’ils en sont les auteurs. On a des figurants déguisés qui chassent le touriste à photographier, des caricaturistes qui travaillent tous dans le même style. Où sont passés les vrais artistes qui hantaient les rues de Paris ?

Comme Pascin qui griffonnait des dessins érotiques sur une table en terrasse du café du Dôme et les vendait pour une somme dérisoire avant d’aller faire la fête avec le produit de ses gains! L'âme un peu morose, je descends de la Butte et décide de m'offrir une promenade dans Paris. En baguenaudant, je descends vers la Seine. Soudain, un éblouissement.
Au blanc de Meudon sur la façade d’une boutique, un immense bonhomme désarticulé prend sa course. Mon cœur se met à battre. Je le reconnais! C'est un de ces fameux corps blancs de Jérôme Mesnager qui ont commencé à essaimer dans la capitale en 1983, au grand dam des policiers qui poursuivaient leur auteur pour dégradation des biens publics.


©jardindefaience

Un peu ragaillardie, je continue mon périple d’un bon pas, quand je me prends les pieds dans le trottoir. Je maudis ma maladresse et me promets de regarder là où je marche. Prochain trottoir, je baisse les yeux et ô merveille je me trouve face à face avec l’artiste invisible, qui avait laissé là sa marque.

La pluie commence à tomber quand j’arrive rue de Rivoli. Je prends sous les arcades et là se produit l’inattendu, l’inespéré ! La vraie rencontre avec l’esprit de Paris. Devant le Westin, coquettement et artistiquement installée, une aquarelliste peint, assise sur un pliant. Je déguste l’image de loin. Avec le chiche brin de soleil qui essaye de se jouer de la pluie, des reflets mettent en valeur le papier blanc, font briller le pinceau au manche vernissé qui court agilement sur la feuille.

Je m’approche, c’est bien une artiste des rues!!! Une vraie, authentique artiste des rues de Paris. Des monceaux d’aquarelles disposées devant elle, l'artiste, une accorte dame blonde, m'accueille avec un grand sourire avenant. Je me penche sur son étal. Les œuvres sont naïves, c’est l’esprit de Paris. Un enchantement.
Pragmatique, je t'entends déjà protester. Est-ce que ce n'est pas fait pour plaire ? Vas-tu me dire... Oui, mais tous les artistes ont besoin de vivre, de séduire leur public. Et Paris a besoin de ses artistes de rue, des vrais, des bons, des authentiques. Qui savent ajouter dans leurs œuvres le petit détail qui attire l’œil, qui croient en leur travail, qui mettent gaîté et bonheur dans les rues de la capitale.


Joelle Villot

Et que c’est bon quand un artiste lève son pinceau, sort de sa concentration pour t'accueillir avec gentillesse et te faire partager l'amour de la capitale, de ses petits commerces et de ses façades pimpantes. Si tu passes devant le Westin, rue de Rivoli, arrête-toi et cherche l'artiste. Elle se nomme Joelle Villot.

Signé : Furetante

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