Furetante : Regarde, Pragmatique, cette ravissante Composition abstraite que je n’ai PAS achetée. Il n’est pas splendide, ce tableau ?
Pragmatique : Attends, attends, tu ne l’as pas acheté ? Mais alors qu’est-ce qu’il fait là ?
Furetante : Non, je ne l’ai pas acheté et c’est bien pour ça qu’il est sublime !
Pragmatique : Tu ne l’as pas volé quand même ?
Furetante : Volé ? Mais non ! Je l’ai payé mais en sous-main, sous le manteau…
Pragmatique : Qu’est ce que tu racontes ! Tu fais du blanchiment de tableau maintenant ?
Furetante : Pas du tout ! Tout ce que je veux dire c’est que ce n’est pas moi, l’unique, l’inimitable, l’incomparable Furetante qui l’ai acquis.
Pragmatique : Je n’y comprends plus rien...
Furetante : C’est pourtant simple. Je sors de la salle de vente, j’ai acheté un tableau : une nature morte avec des coings. Je la regarde dans le blanc des fruits et je me dis c’est momoche. Ces coings blafards sur fond vert sapin ce n’est pas du tout, mais alors pas du tout tableaugénique. Et là commence la litanie des regrets : je n’aurais jamais dû l’acheter, je n’aurais pas du venir ce matin, d’ailleurs je n’aurais pas dû me lever ce matin.
Je fais une mine de 20 pieds de longs mais je ne suis pas la seule. Je vois une dame, toute seule dans son coin, en train de regarder son achat. Et elle, c’est une mine de 30 pieds de long qu’elle fait.
Je m‘approche et j’entends la dame du coin marmonner : Non décidément ça ne me plaît pas, je me suis fait avoir, j’ai vraiment tout raté. Vraiment ça ne va pas…Je regarde par-dessus son épaule et je vois une sublime, une radieuse Composition abstraite.
Pragmatique : Je commence à comprendre. De son côté, la dame a vu ta Nature morte aux coings et elle en est tombée amoureuse…
Furetante : Exactement ! On s’est à peu près exclamé en même temps : Mais c’est ce que VOUS AVEZ que j’aurais dû acheter !
Quelques ajustements plus tard, voilà la dame du coin repartie avec les coings. Moi avec la Composition abstraite et c’était une meeeeerveilleuse journée finalement.
